Sur recommandation de nos hôtes (Laiterie de Tocqueville) et à notre grande surprise, nous avons pu visiter un moulin à eau sur la côte Est de la Manche, puis un moulin à vent à l’Ouest.
Je vous récapitule ces passionnantes visites pour mieux comprendre les rouages du métier de meunier très intense à l’époque.
Le Moulin à eau de Marie Ravenel
Daté du 18ème siècle, le moulin à eau de la Coudrairie – dit moulin à eau de Marie Ravenel en hommage à la meunière poète qui y vécut 31 ans – a été entièrement rénové pour devenir un site de visite.
Le père de Marie était meunier et elle aimait écrire… mais ses œuvres avaient beaucoup de mal à être éditées pour la simple raison (de l’époque) qu’elle était une femme. C’est seulement à 40 ans qu’elle est finalement reconnue et publie ses premiers récits poétiques.
Le moulin à eau fonctionna jusqu’en 1935 puis il a été abandonné pendant 64 ans. C’est en 1999 que grâce à la communauté de communes portée par la ville de Saint-Pierre-Eglise que le moulin est racheté puis restauré dans le respect de sa fondation d’origine.
Seuls les bâtiments des sanitaires + fournil à pain ont été rajoutés en 2010 pour ajouter de l’attractivité au lieu.
En venant au moulin, vous découvrirez un lieu authentique : une magnifique bâtisse à toit de chaume, une roue à augets… dont les extérieurs sont toujours en accès libre.
A l’origine déjà, le toit était fait de paille, et pour la restauration, il a été décidé de faire un toit de chaume (en roseau de Camargue), typique de la région normande. Les iris plantés au sommet du toit permettent de maintenir le toit de chaume et de drainer l’eau de pluie sans que les intempéries endommage la structure.
Le toit fait alors 30 cm d’épaisseur, ce qui représente 75kg / m2 – un poids énorme qui doit être supporté par une solide charpente que nous avons pu observer une fois à l’intérieur du moulin.
Mais avant cela, nous avons eu le droit à un focus sur la roue à augets qui comprend 40 cavités, dont chacune peut contenir jusqu’à 35cl d’eau.
Une fois à l’intérieur du moulin, nous prenons la mesure du cadre de vie du meunier et de sa famille – ils vivaient dans une seule pièce de vie, plutôt petite et directement ouverte sur les activités du moulin, ce qui comprend le bruit et la poussière qu’implique le métier.
A l’étage, le meunier se servait de cette partie pour stocker son grain pas encore moulu, puis les sacs de farine en attente de livraison.
Pour vous décrire dans les grandes lignes le chemin du grain avant de devenir farine :
1. les grains de blé passaient dans un tarare pour séparer les grains des saletés
2. les sacs de grains (ici, du blé essentiellement) étaient montés à la main au dernier étage du moulin
3. les grains de blé étaient vidés dans la goulotte qui passaient ensuite dans le trémis
4. l’eau active l’arbre à moteur qui fait tourner les roues
5. les grains de blé sont ensuite dispersés sous la roue tournante (en calcaire régional) par le trou central
6. les grains de blé passent entre la roue tournante et la dormante et sont écrasés pour devenir de la farine
7. selon l’épaisseur de la farine (T110, T80, …) elle passe dans un blutoir qui tamise la farine en fonction (de la moins épaisse à la plus épaisse, pour finir avec le son de blé qui servait le plus souvent à nourrir les animaux)
A force du temps, les roues s’usent – au bout de 25 ans pour une roue tournante et 50 ans pour une roue dormante. Les 2 roues sont constituées de rainures qui permettent de bien écraser le grain… et ces roues doivent alors être rhabillées régulièrement pour être le plus efficace possible. Une potence permet de manœuvrer les roues afin de les entretenir. Bien souvent, le meunier seul effectue toutes ces tâches, et peut être aidé d’un ouvrier.
Moulin à eau de Marie Ravenel
La Coudrairie – Réthoville
50330 Vicq sur Mer
Tél : 02 33 54 56 18
www.moulinmarieravenel.fr
Ouvert du 1er avril au 1er octobre 2017
de 14 à 17h30 les mercredis et week-end et tous les jours en juillet-août (jusqu’à 18h30)
tarif : 4€ par adulte et 3€ par enfant
BONUS :
Lieu de vie familial où vous pourrez voir travailler la boulangère, apprendre à faire votre pain, acheter des spécialités locales, revivre une salle de classe des années 50 ou même pique-niquer dans le parc
Le moulin à vent du Cotentin
Ce moulin, situé sur un mont qui trône à 120m d’altitude date de 1744 (il fête alors ses 270 ans) et a été abandonné en 1848. C’est récemment que de gros travaux ont été entrepris pour lui redonné ses lettres de noblesse. Il a fallu pas moins de 400 000€ d’investissement pour le rendre aussi beau.
Il fonctionne à partir d’un vent qui souffle en moyenne à 50km/h. Pas en-dessous de 20-25km/h et pas au-dessus de 70-80km/h. Ce qui correspond, pour la région, à un fonctionnement sur 100 jours par an. Le principe, c’est que le meunier travaille quand le vent souffle, même si cela implique que se soit nuit et jour. Autrefois, les ailes étaient en voilures (toile de lin) mais à la restauration il a été convenu de partir sur des ailes en bois, beaucoup moins fragiles. Les ouvertures/fermetures d’ailes ont aussi été automatisées. Seule la tour en pierre est d’origine. La toiture a été faite en châtaigner à sa rénovation car ce bois ne pourrit pas et n’attire pas les insectes. Pour ce qui est des souris, le meilleur compagnon du meunier était le chat qui se chargeait de les chasser.
Les trous que l’on aperçoit sur la tour (= les boulins) correspondent aux endroits où l’échafaudage a été monté pour la construire. Les murs sont d’une épaisseur de 1m à 1,20m pour bien tenir le toit et faire fonctionner les ailes du moulin en toute sécurité. Les pierres locales étaient aussi épaisses naturellement, ce qui joue sur l’architecture.
Le principe de fonctionnement est finalement très similaire au moulin à eau, sauf que le moulin à vent utilise la force centrifuge pour faire tourner les 2 meules. La mouture glisse dans le bluttoir qui trie la farine selon sa taille.
Ici, 3 types de grains sont travaillés : 50% de blé, 25% d’épeautre (pauvre en gluten) et 25% de sarrasin (appartenant à la famille de l’oseille et la rhubarbe – sans gluten).
A la différence du moulin à eau, le meunier ne pouvait pas vivre dans son moulin… et ne subissait alors pas la musique du moulin à longueur de journée.
La région comptait 120 moulins dont 3 sont encore en activité aujourd’hui.
Moulin à Vent du Cotentin
23 rue de la Lande
50580 Fierville les Mines
Tél : 02 33 53 38 04
Ouverture de février à novembre
Tarif : 4,40€ par adulte et 3,30€ par enfant 12-25 ans
Ces deux visites étaient très instructives et passionnantes pour des métiers souvent peu connus… et qui pourtant étaient essentiels à l’époque pour que tout le monde puisse se nourrir – humains comme animaux on pourrait presque dire. Puisque les déchets du tamisage des grains, donnent le son de blé qui servaient aux animaux des fermes avoisinantes.
Aussi, les 2 moulins produisent de la farine qui est mise en vente dans les boutiques respectives ainsi que dans les Office du Tourisme. De quoi manger artisanal et local !
Si vous comptez visiter les 2 endroits, un tarif négocié existe. Le premier moulin à plein tarif et le second à -1€ sur le prix de l’entrée.